Théologie
Durant la période qui va du XIIIe au XVe siècle, âge d’épanouissement de la scolastique, la théologie désigne généralement un axe disciplinaire précis dans le parcours universitaire, pratiqué presque exclusivement par l’élite cléricale. Elle constitue ainsi un paradigme de science, doté d’une force normative et reposant sur le consensus scientifique d’un groupe social élitaire. C’est dans cette optique que bon nombre de théologiens médiévaux articuleront le rapport entre la théologie et les autres sciences en termes de « subordination » ou de reductio.
Or la théologie médiévale peut aussi s’étudier suivant une approche historienne qui entend valoriser la diversité des formes qu’assume l’élaboration du savoir au Moyen Âge sans a priori axiologiques et dans sa situation historiquement conditionnée. Fidèles à cette approche englobante, le terme « histoire doctrinale » nous semble mieux convenir à la pratique du savoir médiéval, non pas dans le sens d’un discours doctrinaire, mais dans le sens de différentes façons attestées au Moyen Âge de donner une forme rationnelle, synthétique et normative à un savoir qu’on a reçu pour vrai. Dans son sens axiologique et normatif, l’histoire doctrinale s’intéresse aux pratiques et aux formes d’organisation religieuse (l’histoire de l’Église, des clergés et de la spiritualité chrétienne seraient des sous-produits de cette perspective) et aux différentes instances de contrôle des idées : les conciles, les censures et les condamnations, l’Inquisition, les universités. Dans son sens didactique et pastoral, l’histoire doctrinal s’intéresse aux formes de communication et de transmission du savoir, soit par le moyen de l’enseignement dans le milieu restreint de l’université et de ses exercices statutaires (on s’intéresse alors à ses acteurs principaux, les maîtres, et aux formes et techniques traditionnelles de l’enseignement universitaire : commentaires des Sentences et de l’œuvre aristotélicienne, questions disputées, traités théologiques ou polémiques) ; soit par des voies alternatives de transmission qui peuvent découler du cadre institutionnel de l’université, mais qui le dépassent (à travers les sermons, les échanges épistolaires, les réflexions mystiques, voire des poèmes).
Par la pluralité de ses lieux et de ses objets d’étude, l’histoire doctrinale englobe les différentes approches de l’histoire intellectuelle, culturelle et religieuse du Moyen Âge, tout en dépassant les barrières méthodologiques ; on s’intéressera également à la production du savoir par les laïcs, comme à ses expressions « vernaculaires ».
À l’Université de Strasbourg, la théologie médiévale est enseignée dans les deux facultés de théologie : à la Faculté de théologie catholique, par Isabel Iribarren, et à la Faculté de théologie protestante par Annie Noblesse-Rocher. Parmi les séminaires proposés aux étudiants du MEMI se trouvent « Commentaires de la Bible au Moyen Âge », « Histoire des Universités médiévales et ses modèles de savoir », « Les ordres mendiants », « l’Enfer et ses représentations au Moyen Âge », « Les anges au Moyen Âge », « Les animaux au Moyen Âge ».
Enseignants
Isabel Iribarren
Professeur d'Histoire de l'Église médiévale et Histoire de la philosophie médiévale à la Faculté de théologie catholique de l'Université de Strasbourg.
Principaux axes de recherche
Histoire intellectuelle des XIIIe-XVe siècles; traditions et échanges intellectuels entre Franciscains et Dominicains; scolastique et controverses théologiques; Jean Gerson et la spiritualité du XVe siècle; représentations et statut des animaux dans l'historie doctrinale au Moyen Âge.
Annie Noblesse-Rocher
Professeur d'Histoire médiévale et moderne à la Faculté de théologie protestante de l'Université de Strasbourg.
Principaux axes de recherche
Exégèse et herméneutique chrétiennes dans le contexte de la société médiévale; sources médiévales dans les écrits des Réformateurs du XVIe siècle; formes et enjeux théologiques des commentaires bibliques des Réformateurs du XVIe siècle.